vendredi 28 septembre 2012

Karana de Madagascar et de la Réunion au coeur de l'Histoire de l'océan Indien francophone

 

Note de l’admin : J’ai reçu cet article par mail sur la minorité indienne de l’Océan Indien. Il s’agit d’un extrait d’un livre publié par Tamim Kharim, romancier et historien de son état. Au delà de l’aspect purement historique, ce livre raconte l’évolution de Madagascar, de ses différentes colonisations et de la venue et du développement de cette minorité pour le meilleur ou pour le pire. Le livre s’appelle Nosy-be, âme malgache, coeur français.

 

On identifie, pour des raisons fonctionnelles, les Indiens Karanas par le terme « Indopakistanais ». Leurs ancêtres étaient en effet, originaires d’une région, qui est à la frontière de l’actuel Pakistan et de l’Inde. A l’époque, cette différenciation n’apparaissait pas, puisqu’on parlait plutôt de « l’Empire des Indes anglaises qui comprenait le futur Pakistan et l’Inde, tous les deux, nés en 1947, sans oublier, le Pakistan oriental né en 1972, plus connu sous le nom (Bengladesh) ». Ces Indiens, qui étaient des sujets britanniques, sont de confession musulmane. Toutefois l’identité culturelle dominante reste quand même de tendance hindouiste. Les décombres de ces maisons (la maison Soundera par exemple), en ruine sont visibles à l’entrée du village d’Ambanoro. Signalons aussi que pour les Indiens de confession musulmane, une mosquée a été construite en 1870, dans le même village de Marodoka. Cette mosquée, marque d’un Islam modéré sur une terre africaine, est aussi visible. Elle a été totalement abandonnée depuis 1952, date à laquelle les derniers Indiens installés à Hell-Ville, ont migré vers cette ville, qui allait devenir le centre d’animation économique, commerciale et politique de l’île de Nosy-Bé.


La route, qui relie Hell-Ville à Ambanoro, s’est désagrégée avec le temps. Elle est difficilement praticable. Ambanoro ou Marodoka reste donc assez isolé. Des communautés descendantes des africains swahilies y vivent, pratiquement en autarcie. On met presque une heure dans une vieille Renault 4L pour effectuer 6 ou 7 kilomètres . Il faut patienter en écoutant les bruits des boulons desserrés, et des amortisseurs usés, sans oublier les secousses qui vous font remonter l’estomac à la gorge, et les intestins dans le crâne ! Tout est adaptable. C’est le règne de la débrouillardise. Comme le disait Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme ! ».


Quant à Nosy-Bé, il est à souligner aussi qu’avant 1840, cet espace insulaire portait les noms de Sada et ensuite de Vario Bé. Aux XIIème et XIIIème siècles, Marodoka (ou Ambanoro) était établi comme comptoir arabe et centre de traite et trafic d’esclaves. Habitée, principalement par les Sakalavas Bemihisatra, la ville de Marodoka devint une ville cosmopolite car des Arabes, des Africains (Makoas) et des Indiens y cohabitaient. Après Marodoka, Nosy-Bé avait transféré sa capitale à Tafondro qui était aussi le fief des tribus Antakarana ou Zafimbola-fotsy. Le prince Kozobe succéda à la reine Ambary (1609-1639) ancêtre éponyme et fondateur du royaume Antakarana. Après sa mort, sa fille aînée la reine Soanaomby et son fils, le prince Andria-maitso (1639-1689), ont pris la relève. Le roi Andrianampela a régné de 1689 à 1692. Le village qui était le centre commercial et économique, restait jusqu’en 1840, la petite localité d’Ambanoro encore appelée Marodokany.
Le reste de l’île n’était encore pas, ou très peu exploitée. Marodoka demeurait l’endroit où arrivaient les boutres. Ce village était le poumon économique de l’île au XIXème siècle. Une population de tendance religieuse musulmane dominait et domine toujours dans ce village. De nombreuses mosquées (certaines sont encore fréquentées, d’autres sont abandonnées ou détruites par des personnes peu soucieuses de la mémoire des Ancêtres et du patrimoine), témoignent d’ailleurs de cette effervescence liée aux va-et-vient des boutres arabes, comoriens et indiens.

 

Les FRANCO-INDO-MALGACHES de l'océan Indien...dans l'histoire et la littérature

 

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La IIIème République a été proclamée à Paris le 4 septembre 1870, à la suite de la défaite de Sedan qui marquait la fin du Second Empire (1852-1870) de Napoléon III. Nosy-Bé avait donc plus de trois mois de retard au niveau de la transmission et de la réception des informations par rapport à la France métropolitaine. Cela était lié certainement à la durée moyenne du trajet que mettaient les bateaux à vapeur, pour traverser l’océan Atlantique, puis atteindre l’océan Indien, après avoir doublé le Cap de Bonne Espérance, en cette fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.


A peu près à la même époque, poussés par les vents de la mousson d’hiver (soufflant de décembre à avril), les premiers Indiens, sujets britanniques de la région du Gujerat (Inde anglaises), arrivent dans des boutres, dans la rade d’Ambanoro à Nosy-Bé, après avoir fait escale en Afrique de l’Est et surtout à Zanzibar ou à Mombassa. De mai à novembre, les vents de la mousson d’été permettaient aux boutres indiens de faire le voyage dans le sens inverse.


Ces boutres qui étaient des lourds navires à mât unique, penché en avant avec une grande voile latine et un château arrière pouvant remonter au vent, étaient trop lourds pour doubler le Cap d’Ambre, et de plus, la navigation sur la côte est de Madagascar était rendue très aléatoire, du fait d’une forte houle de cyclones, de tempêtes, et de manque d’abris sûrs. Donc, les boutres longeaient les côtes arabes, puis africaines et arrivaient dans la rade d’Ambanoro à Nosy-Bé où les Indiens commencèrent à s’installer progressivement. Depuis 1876, la reine Victoria été proclamée Impératrice des Indes. Les Indiens deviennent alors des sujets britanniques. La présence des Indiens et plutôt des boutres originaires du Golfe de Cambay, faisant du commerce de cabotage dans l’océan Indien était déjà signalée par Vasco de Gama en 1498, dans son journal de bord. Ce navigateur portugais avait lui même été aidé par un pilote arabo-indien du nom de Al Madjid, qui lui avait montré la route maritime menant vers les Indes en suivant les vents de mousson. En 1508, un Amiral portugais, Lopes de Sequeira - mouillant dans le Sud malgache - a aussi signalé la présence des Indiens. En 1775, Nicolas Mayeur - commerçant français à Madagascar - constate la présence des Indiens également.


Leurs descendants qui vont s’établir à Ambanoro (village swahili de Nosy-Bé), seront les fondateurs des grands lignages indiens « Karanas » dont les héritiers sont présents aujourd’hui dans toute l’île de Madagascar et même ailleurs (à La Réunion ou en France par exemple). Le plus vieux cimetière indien date de 1850, si on se réfère à la date inscrite sur l’épitaphe de la première tombe, encore visible à Ambanoro (Nosy-Bé), ainsi que la mosquée de Nosy-Bé totalement en ruine, datant à peu près de 1870. J’ai eu l’occasion en 1999, en 2000, et en 2005 de visiter tous ces sites et à Ambanoro, j’ai été aidé par des guides, qui vivaient dans ce village depuis les années 1920, et qui connaissaient toute l’histoire et l’évolution de ce village. La digue où accostaient les boutres en provenance de l’Inde, existe toujours dans le village d’Ambanoro. Elle est un des rares vestiges qui témoigne de l’arrivée des Indiens commerçants dans ce village assez isolé de l’île.


Les premiers Indiens ont été d’emblée, bien considérés par l’administration coloniale française présente sur l’île de Nosy-Bé. Certains ont même exercé des postes-clés comme douaniers, ou exploitants agricoles. D’autres ont migré vers les contrées éloignées, parcouru les villages alentours, pour fructifier leurs esprits mercantiles. Les Indiens ont tout de suite été considérés comme une strate intermédiaire entre les colons français et les Malgaches. Par exemple, après le départ des Allemands de Nosy-Bé en 1914, certains Indiens ont acheté même les entreprises allemandes. Leur politique mercantile, leurs qualités d’aventuriers aimant les risques, leurs capacités d’adaptation dans des contrées inconnues, leur maîtrise de la langue anglaise, française et malgache, ont permis aux ressortissants de la première diaspora indienne, d’être bien vus par les colons français. Ils ont même pratiqué la spoliation des terres malgaches. Cette pratique était un peu tolérée par l’administration coloniale française présente sur l’île. La confiscation des terres des pauvres paysans malgaches par certains Karanas, a permis à ces derniers de fructifier, illégalement leurs entreprises sur plusieurs générations.


Cependant, les Indiens ne se sont pas réellement intégrés à la société malgache. Leurs relations avec les Malgaches se sont limitées à des rapports de concubinage ou à des échanges commerciaux. Rares sont les Indiens qui se sont métissés. Après le départ des Français en 1960, les Indiens ont souvent été victimes des crises économiques. En effet, dans un pays où la misère règne et la colère du peuple gronde, ils constituent avec les Chinois, « un îlot de richesse dans un océan de pauvreté ». Leur manque d’intégration dans les sociétés malgaches et leurs vies communautaires en vase clos, ont fait d’eux « des boucs émissaires naturellement trouvés ». Le métissage serait un des points positifs de leur intégration. Ce métissage est ralenti par un état d’esprit communautaire aujourd’hui devenu presque religieusement sectaire.


Il ne faut jamais oublier qu’avant et peut-être parallèlement aux Arabes (qui faisaient du commerce tout au long de la côte orientale africaine), les Indiens (qui avaient une marine commerciale assez puissante), et les jonques chinoises étaient bien présents dans l’océan Indien et dans le canal du Mozambique. Les écrits de Vasco de Gama, navigateur portugais, nous le prouvent aussi. Les Indiens faisaient donc du commerce de cabotage, de côte en côte. Leur point de chute restait l’île de Zanzibar, qui à en croire une émission télévisée diffusée en 2008, garde encore des traces de la présence des Indiens en Afrique de l’Est. Ceux qui sont arrivés à Madagascar, et notamment à Nosy-Bé, dès les années 1850, sont venus volontairement, dans le cadre d’une immigration spontanée, et par vagues successives. Au cimetière abandonné d’Ambanoro, où reposent éternellement les pères fondateurs des grands lignages indiens de Madagascar, on peut voir la première tombe qui date de 1850 et la dernière tombe qui date de 1946.


D’après Jacques Bousiges, Sophie Blanchy et Sophie Romeuf-Salomone, les Indiens étaient 26 en 1868, 200 en 1875, 511 en 1905, 520 en 1908, 569 en 1911, 494 en 1925 et 352 en 1939 à la veille de la Seconde Guerre mondiale sur l’île de Nosy-Bé. Fuyant la crise démographique, les disettes, les famines, les sècheresses et les épidémies qui frappèrent l’Inde à la fin du XIXème siècle, ces Indiens allèrent chercher à Nosy-Bé, des moyens d’existence, d’autant plus qu’un décret du roi malgache Radama 1er, datant du 18 juin 1825, permettait aux Anglais et aux sujets anglais de résider à Madagascar et à faire du commerce.


Ils sont venus par vagues successives mais volontaires des villages indiens de Kathiawar, du Gujerat, de Jamnagar, de Bombay, de Surat, de Rajkot, du KuschMandui ou Porbandar. C’est par le biais d’une immigration spontanée, individuelle puis familiale que s’est constituée la congrégation indienne de Nosy-Bé depuis la fin du XIXème siècle jusqu’au début du XXème siècle (1920). Les Indiens étaient 303 en 1999 et il doit actuellement, en rester quelques 150 individus. Ceux qui sont français ont quitté l’île dans les années 1970, puis dans les années 1980. Arrivés à Nosy-Bé avec la nationalité britannique, depuis que la reine Victoria a été proclamée Impératrice des Indes en 1876, ils ont acquis la nationalité française de plein droit par les décrets français applicables dans les colonies, de 1928 et 1933, permettant aux étrangers, en l’occurrence, les Indiens anglais (britanniques), d’obtenir la nationalité française. En effet, si l’on regarde le code juridique applicable dans les colonies, on peut y observer l’évolution des décrets.


Le premier décret, celui du 7 février 1897, appliqué à Nosy-Bé et à Madagascar, permettait aux parents français de transmettre leur nationalité par filiation, à leurs enfants nés sur la Colonie. Ce décret, prônant le droit du sang, n’a pu profiter qu’aux enfants de colons. Un deuxième décret, celui du 5 novembre 1928, a élargi le précédent en permettant par le droit du sol, à l’individu d’acquérir la nationalité française, à la seule condition qu’il soit né dans la Colonie d’un père lui même né dans la Colonie.


Par ailleurs, l’article 5 de ce même décret, permettait aux enfants nés à partir de 1908 dans la Colonie, de parents étrangers (nés ailleurs en Inde par exemple), d’acquérir automatiquement la nationalité française à leur majorité, à condition d’être domiciliés à ce moment là, dans la Colonie. A partir de 1933 et 1939, de nombreux Indiens demandèrent à être naturalisés français. L’article 17-2 du code de la nationalité française, rendu applicable outre-mer par le décret du 24 février 1953, permettait à tout enfant naturel ou légitime de devenir français, à la seule condition qu’il soit reconnu par ses parents de nationalité française. La filiation paternelle ou maternelle a donc été mise en place et généralisée dans la Colonie. En 1960, lors de l’Indépendance de Madagascar, les personnes qui étaient déjà françaises ont pu conserver leur statut juridique acquis pendant la période coloniale, à condition d’être domiciliées sur la Colonie, lors de l’accession de celle-ci à son indépendance.


Enfin l’article 155-I 1er et 2ème alinéas du code de la nationalité française (loi du 9 janvier 1973), et l’article 32-3 du code civil confirmaient les législations précédentes, et ont permis aux individus français, de conserver de plein droit et définitivement, leur nationalité française. C’était le garde des Sceaux du Ministre de la Justice qui se chargeait de délivrer les certificats de nationalité aux intéressés concernés. Les personnes nées après 1960 d’au moins un parent de nationalité française, et ayant été reconnues comme enfants légitimes, sont françaises par filiation paternelle ou maternelle, en vertu de l’article 18 et l’article 18-1 du code civil « comme enfant légitime, né à l’étranger, d’un parent français ».


Les routes maritimes entre l'Inde ancienne et les pays voisins sont essentiellement commerciales, et responsables de l'influence de la culture indienne sur d'autres sociétés. Les différentes périodes Maurya, Satavahana, Chola, Vijayanagara, Kalinga et l'Empire Moghol permettent le développement du commerce extérieur, en étendant l'influence indienne en Asie du sud-est.


Louis Frédéric dans son livre sur l’Inde parle aussi beaucoup de la naissance puis de la propagation de la culture indienne. Les Européens ont découvert en fait et en réalité, des Mondes différents qui existaient en fait déjà et qui étaient déjà autonomes et même en avance parfois ! Les jonques chinoises et les boutres arabes et indiens sillonnaient déjà l’océan Indien avant les caravelles espagnoles et les galions portugais. Il ne faut pas que l’on oublie tout cela. Plus tard, au XIXème siècle, des boutres arabes et indiens feront la même chose. En tout cas, les Portugais étaient bien présents dans le canal du Mozambique et dans l’océan Indien entre les XVIème et les XVIIIème siècles, prenant la place des Arabes, des Indiens et des Chinois, qui eux aussi, bien avant les Portugais, étaient présents, et faisaient du commerce de cabotage avec les côtes et îlots de l’Est africains.

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