vendredi 15 janvier 2010

Sans les esclaves, nous serions perdus!

«Si vous deviez chaque année, perdre plus de 200 millions de livres que vous recevez actuellement de vos colonies; si vous n’aviez pas le monopole du commerce avec vos colonies pour alimenter vos usines, entretenir votre flotte, faire marcher votre agriculture, payer vos importations, satisfaire vos besoins de luxe, rétablir l’équilibre de votre commerce avec l’Europe et l’Asie, alors je le dis tout net, le royaume serait immédiatement perdu.»






Qui parle ainsi ? Un banquier ou un marchand dans le secret de son cabinet privé ? Pas du tout. C’est un évêque, Maury, et c’est à toute l’Assemblée nationale française qu’il adresse publiquement son Plaidoyer contre l’abolition de la traite des esclaves et la libération des colonies. Nous sommes en 1791, et l’Assemblée nationale, mais oui, c’est bien l’Assemblée révolutionnaire française, celle qui consacre la victoire de la bourgeoisie capitaliste sur la noblesse féodale. Son drapeau, c’est la fin des privilèges et la démocratie : « Liberté, Egalité, Fraternité ».

Mais ce drapeau ne vaut absolument pas pour les colonies. Le nouveau régime entend absolument conserver de l’ancien cette source de profits gigantesques. Certes, la Convention abolira formellement l’esclavage en 1794, mais elle se gardera bien d’appliquer cette décision. Et Napoléon rétablira bien vite la légalité de l’esclavage. Il brisera impitoyablement la révolte des esclaves qui avaient fondé une République libre d’Haïti et emprisonnera le chef des milices d’esclaves, Toussaint Louverture, jusqu’à la fin de ses jours, dans une geôle humide et glaciale de Haute-Savoie. La démocratie a ses limites.

Le général Leclerc, beau-frère de Napoléon, lui écrivait de l’île : « Voilà mon opinion sur ce pays : il faut supprimer tous les nègres des montagnes, hommes et femmes, et ne garder que les enfants de moins de douze ans, exterminer la moitié des Noirs des plaines, et ne laisser dans la colonie aucun mulâtre portant des galons. »

Incroyable : pour obtenir son indépendance, Haïti devra même se saigner pour ‘indemniser’ la France ! Galeano conclut : « Le pays naquit en ruine et ne se releva pas : aujourd’hui, c’est le plus pauvre de l’Amérique latine. »

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