vendredi 7 novembre 2008

La violence familiale et conjugale

Certains auteurs situent l'origine des violences familiales dans la structure d'une vie domestique qui était adaptée à une force de travail purement masculine. La femme restait cantonnée au foyer, tandis que le mari, qui évoluait dans un milieu professionnel très masculinisé, était l'unique source de revenus familiaux. L'usine, le syndicat, les lieux de convivialité (cafés, clubs sportifs, associations, etc.) et même l'école étaient le domaine réservé des hommes. La pauvreté d'une classe ouvrière en proie à la dureté des conditions de vie issue de la révolution industrielle et l'absence de mobilité sociale contribuaient à « transférer » dans le milieu familial les tensions du monde du travail. Le conflit familial surgissait dès lors que les femmes osaient remettre en cause d'une quelconque façon cette division « naturelle » du travail et des tâches domestiques.

Pour les féministes, c'est le patriarcat qui a fait pencher le pouvoir du côté des maris et des pères dans les relations conjugales au cours des siècles. La pratique du sati chez les hindous, qui exige que les veuves s'immolent sur le bûcher funéraire de leurs maris défunts, l'infanticide féminin dans la culture masculine de la Chine, les mariages arrangés dans certaines sociétés traditionnelles où meurtres et tortures sont courants lorsque la dot est jugée insuffisante, l'abandon de l'épouse par sa propre famille et son esclavage domestique dans le nouveau foyer, toutes ces pratiques montrent la présence endémique d'une violence domestique à dominante masculine et d'un sexisme persistant dans de très nombreux pays de la planète.

À côté de l'influence de la tradition, omniprésente dans certains pays en voie de développement, les chercheurs ont exploré, jusqu'ici sans grand succès, la piste génétique. S'il existe bien une « hérédité » des conduites violentes, elle se situe plutôt du côté de la culture familiale. De nombreuses enquêtes attestent que la plupart des adultes violents ou se livrant à l'inceste ont été des enfants battus ou abusés sexuellement.

Il est très difficile de déterminer si les violences physiques et sexuelles sont en hausse ou en baisse, même dans les pays où elles sont davantage recensées qu'autrefois. Il existe en effet peu de statistiques officielles fiables dans ce domaine, particulièrement en France ou en Suisse (les pratiques incestueuses y seraient très élevées) où la prise de conscience de ces phénomènes a été plus tardive que dans les pays scandinaves ou en Amérique du Nord

D'un côté, on constate un affaiblissement de la loi du silence : les femmes sont plus disposées à se plaindre auprès des autorités compétentes (police, justice), au fur et à mesure qu'elles gagnent en indépendance dans la société (généralisation du travail féminin). De l'autre, les motifs engendrant la violence ont sans doute également perdu de leur force avec le développement des unions librement choisies, le déclin des mariages forcés et l'émancipation des femmes en matière de propriété, de carrière et de procédures de divorce. Mais aucun de ces facteurs ne peut être évalué avec exactitude. Il y aurait au moins deux millions de femmes battues en France et, selon la Fédération nationale Solidarité-Femmes, une Française sur huit au moins serait battue par son conjoint. Une centaine de femmes décèdent chaque année en France des suites des coups donnés par leur mari et, phénomène nouveau, de plus en plus d'adolescents se mettent à battre leurs parents.

En ce qui concerne les mauvais traitements infligés aux enfants, force est de reconnaître que c'est dans la famille traditionnelle qu'ils sont le plus couramment commis (91 p. 100 des cas). Mais il est inquiétant de constater que les beaux-pères et autres substituts de père sont de plus en plus souvent impliqués dans les viols. Si la violence n'est pas exclusivement masculine, elle l'est dans l'immense majorité des cas. Il arrive que des partenaires — hommes et femmes — martyrisent conjointement leurs enfants. La pathologie des mauvais traitements infligés aux enfants est malheureusement infinie.

En France, on estimait en 1995 à 54 000 le nombre des enfants en situation de « danger », dont 16 000 cas d'enfants maltraités (7 000 cas de violences physiques, 4 000 de négligences lourdes, 4 000 d'abus sexuels dont 82 p. 100 des victimes sont des filles, 1 000 de cruautés mentales) et 38 000 susceptibles de l'être, c'est-à-dire vivant dans des conditions qui mettent en péril leur santé, leur éducation et leur moralité. Ce chiffre témoigne d'une progression puisqu'il n'était que de 45 000 en 1993 et de 35 000 en 1992. Cette croissance n'est pas étrangère à la crise de la famille et aux difficultés que rencontrent les familles en situation de précarité (chômage, alcoolisme, drogue, etc.), même si le problème concerne tous les milieux sociaux. D'après les appels sur le numéro vert du Collectif contre le viol, 73 p. 100 des victimes d'inceste ne portent pas plainte. Le « chiffre noir » de l'inceste est donc bien plus important, et on peut estimer que seulement 10 p. 100 des cas aboutissent à une procédure judiciaire. Toutefois, les experts considèrent également que l'augmentation des cas recensés reflète une véritable prise de conscience des organismes sociaux (efficacité accrue dans la détection de la détresse enfantine) et même des familles, qui hésitent moins qu'auparavant à signaler à la justice des cas de mauvais traitements ou les situations à risque.


Les campagnes d'information, la création de structures d'accueil, d'hébergement et d'écoute depuis une vingtaine d'années, les permanences téléphoniques créées pour les femmes battues et les enfants maltraités ont aidé à sortir les victimes de leur silence et de leur isolement. Depuis le 1er mars 1994, la législation française reconnaît la violence conjugale et le nouveau code pénal considère qu'une agression physique ou sexuelle commise par un ascendant sur ses enfants ou par un conjoint sur l'autre est une circonstance aggravante. Mais ces sujets restent encore largement tabous aujourd'hui, trop dérangeants pour une société déjà fragilisée par une crise économique destructrice des valeurs et du tissu social. Au-delà des actions de prévention et de lutte contre les multiples formes de violence domestique mises en place par les pouvoirs publics, seule une « révolution culturelle » des attitudes et des comportements permettra de venir à bout de ces pratiques dégradantes et destuctrices, physiquement et psychologiquement.

Les Questions sont les réponses à l'ignorance !!

Articles les plus consultés

Contactez-moi

Nom

E-mail *

Message *