jeudi 12 avril 2012

Madagascar : la santé est devenue un luxe

 

Madagascar est frappé par de nombreuses crises économiques et politiques, mais on délaisse souvent le secteur de la santé et on brode tout autour pour montrer que tout va bien. On lance des campagnes de sensibilisation, mais les problèmes sont beaucoup plus profond et on peut dire qu’une bonne santé est devenue un luxe à Madagascar. Il y a quelques jours, j’étais à l’institut d’hygiène à Analakely qui est surtout célèbre pour ses longues files plutôt que pour ses qualités de soins. Il faut savoir que dans de nombreux instituts, on peut bénéficier d’une consultation payante ou gratuite. Si vous payez, vous n’êtes obligés d’attendre pendant des heures, mais les soins gratuits laissent vraiment désirer. Je m’y suis rendu pour soigner un mal d’oreille et de gorge et il est vrai que ces organes sont mis à rude épreuve quand on entend les couleuvres que la HAT tente de nous faire avaler. Les longues files d’attente sont devenue une habitude des malgaches et on passe le temps à papoter ici et là.

Donc, j’attendais tranquillement mon tour lorsque deux femmes discutent avec l’un des infirmiers en se plaignant du manque de médecin dans l’institut. On peut penser que le manque de médecins n’est pas nouveau, mais la réponse de l’infirmier fut stupéfiante. Il déclara qu’il n’y a pas de médecins parce qu’il n’y avait plus de patients ! A partir de février 2012, le nombre de patients a baissé considérablement même pour les soins gratuits. En fait, certaines personnes sont tellement pauvres qu’ils ne peuvent se permettre les consultations gratuites parce qu’il y a des médicaments qu’on doit payer derrière. Dans ce contexte, il est facile pour les autorités de prétendre que le secteur de la santé n’est plus saturé et qu’il bénéficie d’une gestion optimale. Cependant, ce serait mentir que de prétendre que les malgaches se foutent de leurs santé, mais ils se contentent de guérir les petits maux. Dès que le diagnostic est plus sérieux, ils préfèrent juste laisser pisser en espérant que le Saint-Esprit va les guérir. L’infirmier raconte l’histoire d’un mec qui s’était blessé à la jambe à son travail. Il revint à l’institut à plusieurs reprises, mais il n’achetait jamais les médicaments. Au final, le médecin lui diagnostiqua un début de gangrène alors qu’il aurait pu se soigner avec de l’alcool et du coton.

Le principal problème des autorités est qu’elles n’ont aucun contrôle sur le secteur des pharmacies. Vous avez sans doute remarqué que chaque pharmacie possède son propre panel de prix sur le même médicament, car il n’y a aucun barème ou subvention gouvernementale qui permet de régulariser le prix. Le moindre petit médicament coute la peau des fesses tandis que les soins de base sont gratuits. De ce fait, on pare au plus pressé en espérant que cela s’arrangera. Une simple opération de chirurgie coute plusieurs millions d’ariary et un homme qui gagne 150 000 ar par mois peut toujours se brosser pour payer une telle somme. Et on doit payer la chambre, la nourriture, les médicaments et même parfois le personnel de l’hôpital.

Il est incroyable de constater qu’on hésite même à utiliser des consultations gratuites parce qu’on a trop peur de ce que cela va nous couter derrière. Chaque petit bobo est refoulé sous des tonnes d’analgésiques pour cacher la douleur sous un tapis de calmant. Et l’indignation devient un ricanement désespéré quand on entend que le gouvernement veut construire un nouvel hôpital. S’il a tellement d’argent, pourquoi, il ne financerait pas les structures existantes, mais il est vrai que cela ne passe pas très bien sous les caméras et qu’il n’y a aucun ruban à couper pour montrer qu’on est le sauveur de ce pays.

 

Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies - Molière

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